mardi 25 janvier 2022

Que signifient Shleu Shleu, Tabou Combo ou « les Gypsies »?


Que signifient Shleu Shleu, Tabou Combo ou « les Gypsies » 

Les appellations disent beaucoup sur le passé des groupes

Dans le Compas, les noms de groupes portent le poids de l’histoire. Chaque époque vient avec ses pratiques et presque chaque « jazz » affiche une dénomination qui parfois fait référence à la zone de naissance de l’institution, les tendances de la période ou simplement, les fantaisies de son initiateur.

Des noms comme « Band », « Combo » ou encore « ensemble » figurent dans les appellations de beaucoup de groupes durant les années 1950 jusqu’à 1970. Ces termes indiquent le nombre de musiciens figurant dans ces groupes.

Un « ensemble » est un groupe de musiciens qui a l’habitude de jouer ensemble. Quant au terme « Combo », il désigne un petit ensemble musical. Ainsi, il est remarqué dans plusieurs noms de groupes musicaux étrangers, dont « El Gran Combo » (Porto-Rico), « Paris Combo » (France). Puis « Band » est la traduction anglaise de groupe musical. Ces termes, venant de la musique latine ou américaine, désignent généralement les groupes musicaux qui comportent plusieurs sections rythmiques.

La plupart de ces groupes ont traversé le temps, d’autres moins. Tabou Combo est fondé en 1968, Shoogar Combo et Shoupalou Combo en 1979.

Bossa Combo prend naissance le 15 août 1968, Ibo Combo en 1968 et Super Combo en 1970. Afro Combo, Juvo Combo, As Combo, Patchou Combo et Safari Combo, sont tous nés en 1973.

Plusieurs groupes ont été identifiés comme des « Ensembles ». Entre autres, l’on peut citer, Ensemble Ibo-Lélé fondé en 1963, Ensemble Riviera Hôtel en 1952, Ensemble El Rancho en 1957, Ensemble du rythme en 1957, Ensemble de Weber Sicot créé le 22 août 1960, Ensemble Pierre Blain (1960), Ensemble sublime d’Haïti fondé en novembre 1962, Ensemble Tropical (1969) et Ensemble Nemours Jean-Baptiste créé le 26 juillet 1955.

Les « Bands » n’étaient pas nombreux. Quelques noms trouvent reconnaissance, jusqu’à aujourd’hui. Entre autres, le Magnum Band de Dadou Pasquet fondé le 24 juin 1976, le System Band et le Colé Colé Band introduit en 1980.

Le règne des triosLes groupes ayant peu de membres ont adopté des appellations circonstanciées. La musique haïtienne a ainsi vu poindre le Trio Quisqueya avec Raymond Gaspard en 1945, le Trio Orphée avec Murat Pierre en 1946, le Trio des jeunes fondé le 1er août 1943. Ce trio était devenu Quintento des jeunes puis Septeto des jeunes avant de garder le nom de Jazz des jeunes.

D’autres petits groupes viennent aussi en tête. Il y avait le Trio sentimental en 1957, le Trio Cristal fondé le 6 septembre 1957. Il est devenu Trio Select de Coupé Cloué. Il convient de mentionner que le trio Symphonia et le quatuor Septentrional se sont fusionnés pour donner naissance à l’orchestre Septentrional le 27 juillet 1948.

Certaines formations musicales portaient le nom d’orchestre. Il y avait l’orchestre Issa El Saieh formé loin avant la création du Compas, dans les années 1940. L’orchestre casino international, l’orchestre Ernst Lamy et le grand orchestre River Side d’Haïti en 1960, puis l’orchestre Raymond Sicot (frère de Weber Sicot) en 1970.

Un groupe pour chaque zone

Au cours des années 1960, un nombre important de formations musicales a pris naissance dans le compas direct. Du même coup ils ont apporté beaucoup d’innovations dans la musique inventée par Nemours Jean Baptiste. Ces groupes avaient pour nom les « Mini Jazz ».

À cette époque, une kyrielle de quartiers ou de villes avaient leur propre groupe musical.

Cette époque a donné Les Difficiles de Pétion-ville, Les Frères Dejean de Pétion-ville, Jouvenceaux de Jacmel, Tabou Combo de Pétion-ville, les Fantaisistes de Jérémie, Les Confidents de Jacmel, Les Formidables de Saint-Marc, Les Gypsies de Pétion-Ville, La Ruche de Léogâne, Les Virtuose de Saint-Marc, Les Fantaisistes de Miragoâne, Les Lionceaux des Cayes, Jazz Norma de Léogâne, Les Diables bleus du Cap, Les Asnaches de Turgeau, Panorama des Cayes, Méridional des Cayes, Les Pachas du Canapé-Vert, Les Mazora de Bel-Air et les Légendaires de Delmas.

Cinquante nuances de Jazz
Dans la musique haïtienne, le mot jazz représente un groupe musical et non le genre musical originaire du sud des États-Unis, developpé au début du 20e siècle. Beaucoup de noms de groupes comportaient le terme.

Tout a commencé avec le Jazz des jeunes qui a connu du succès pendant plusieurs décennies sur la scène musicale haïtienne.

D’autres groupes figurent dans cette liste. Il faut citer entre autres, Aster Jazz en 1946, Jazz Sena en 1958, Baby Jazz en 1965, Silibo Jazz des jeunes au début des années 1970, Doremi Jazz et Marin jazz en 1972, Sanba Jazz en 1973 et Foula Vodou Jazz en 1977.

Mon nom, mon jazz

Certains groupes portaient le nom du musicien propriétaire. Cela s’est produit durant plusieurs décennies. Issa El Saieh démarre la tendance dans les années 1940.

Presque tous les groupes de Nemours Jean-Baptiste ont porté son nom. Il en est de même pour Webert Sicot.

Le 13 juillet 1963, le Compas a vu poindre Les frères Dejean avec André et Fred Dejan. À la même époque il y avait Les frères Laurenceau, un groupe sans une grande histoire. Dans les années 1970, Raymond Sicot a suivi les traces de son frère. Son orchestre a porté son nom.

En 1980 les mélomanes ont découvert GM Connection : G pour Gérard (Daniel), Maestro du DJET-X et M pour Mayala pour (Mario Joseph), guitariste du Skah Shah.

Des histoires mystérieuses

D’autres groupes avaient des noms dont la signification reste floue pour le grand public. En tête de liste viennent « Shleu Shleu », « Skah-Shah », « Shoogar », « Bossa », « Gypsies » et « Gemini ».

Plusieurs anciens musiciens de la plupart de ces groupes ont été contactés. La plupart d’entre eux ne pouvaient fournir aucune information sur les noms de leurs anciens groupes.

D’autres sont bien plus informés. Selon Jean Jean-Pierre, ancien percussionniste du groupe « Bossa Combo », le nom Combo vient de l’anglais et signifie combinaison ou petit orchestre. Le terme « Bossa » est puisé dans « Bossa Nova » (rythme et genre brésiliens).

Quant à « Gemini », c’est la traduction anglaise de « gémeaux ». Il s’agit du signe astrologique de Ti Manno, fondateur de ce groupe. « Shoogar » garde la prononciation de « sucre » en anglais (Sugar). Les musiciens ont tout simplement changé l’orthographe.

« Gypsies » fut un nom anglais donné aux Tsiganes venant de l’Inde qui menait une vie de nomade en Angleterre. On les appelle aussi les « ROM », pour désigner les peuples nomades d’Europe. Le Compas a connu non seulement les « Gypsies » de Pétion-ville, mais aussi les « Gypsies » de Queens. Ce dernier groupe n’a pas fait de long feu.

De «Shleu Shleu» à «Skah-Shah»

Dada Jacaman fut propriétaire et manager du groupe « Shleu Shleu » créé en 1965. Selon ses dires, la dénomination du groupe a beaucoup à voir avec ses parties de dominos. Il répétait toujours « Shleu » quand il gagnait la partie face à ses adversaires. À la création du groupe, lui et ses confrères ont utilisé le mot qu’il a inventé, deux fois.

Le groupe Skah-Shah est composé d’anciens musiciens de « Shleu Shleu » à sa naissance en 1974. Entre temps « Shleu-Shleu » a poursuivi son petit bonhomme de chemin en Haïti et à New York. Les musiciens qui ont laissé les Shleu-Shleu voulaient avoir les deux « S » dans le nom de leur groupe surtout en faisant référence à l’expression haïtienne « Mache SS ».

Selon Réginald Delva, le mot Skah-Shah vient de « Kesh » en Persan (Iran) qui signifie chevelure et « Shah » demeure un titre honorifique dans les cultures orientales. Autrefois, Shah était considéré comme le roi de l’Iran. Arsène Appollon, Loubert Chancy et Jean Éli Telfort (Cubano) ont forgé le nom Skah-Shah afin d’avoir ainsi un mot à l’image du « Shleu ». »

C’est sinueux, certes. Mais pas hasardeux. Car chaque nom de groupe porte le poids de l’histoire.

Crédit: NAZAIRE JOINVILLE

dimanche 23 janvier 2022

Alcibiade est passé de vie à trépas.


Nicolas Pierre Rollin aka Alcibiade, l'un des plus grands comédiens haïtiens de tous les temps, est passé (passed away!) de vie à trépas, ce vendredi 21 janvier 2022, à l'âge de 83 ans.
   
Les causes du décès de Nicolas Pierre Rolin n’ont pas été communiquées. Parallèlement, des sources proches de la famille de l’artiste évoque un état de santé diminué ces derniers jours en raison de la maladie.
La dernière figure de la comédie, Alci


biade, décédé le vendredi 21 janvier, à 83 ans, est resté une référence pour la qualité et la profondeur de ses textes. Ses œuvres, diffusées chaque dimanche sur les ondes de Radio Caraïbes, dépeignent la réalité sociale en mettant en valeur des tares et des mœurs de la société.

Derrière ses contributions, on décèle un personnage aux multiples visages dont celui d’un père de famille intransigeant, un gardien de cour prêt à satisfaire ses patrons en jouant aux espions. 
Alcibiade, unique en son genre, s’est fait distinguer par son timbre vocal et sa capacité à alterner les rôles et les personnages. Ses pièces instructives à succès font toujours véhiculer un message et une leçon de vie.

Condoléances à sa famille et ses fans.

 Paix à son âme !

Crédit: Hervé Noël avec Radio Nostalji-Ayiti 

jeudi 6 janvier 2022

Toto Laraque, un personnage marquant de la musique haïtienne.

 


Né le 15 septembre 1953 à l’hôpital du Canapé-Vert, Philippe Laraque alias Toto se passe de présentation en Haïti comme à l’étranger. Durant sa carrière, il a porté plusieurs chapeaux : humoriste, musicien, publiciste, producteur et surtout mécène. Il a lancé tant de jeunes talents haïtiens qui n’auraient peut-être pas pu marquer leur époque s’ils n’avaient pas croisé Toto sur leur chemin. L'artiste a mis sa touche sur de nombreux tubes de la musique haïtienne qui ont traversé le temps. Sa vie et la musique se sont entrelacées pour devenir inséparables.

Élevé dans une famille de musiciens, il commençait à jouer dès l’âge de 9 ans aux côtés de ses frères. Claude, Jacques Paul Eugène, Pierrot Paul Eugène et Jean-Jean Laraque avaient fondé en 1962 le premier mini-jazz haïtien qui jouait dans les bals de salon. C’était Les « Shelberts » du Canapé-Vert. Son grand-père Alain Laraque jouait du piano dans la ville de Jérémie et y était très connu pour ses chansons à double sens, comme celles de Toto par la suite. Son père Carl Laraque, lui, était propriétaire d’un night-club au Bicentenaire qui s’appelait « Rendez-vous des Hirondelles » où se produisaient Nemours Jean-Baptiste et Webert Sicot.

Laraque père était aussi musicien et propriétaire d’un autre night-club dénommé « MonteCarls » à Carrefour. Il était surtout un grand mélomane qui a appuyé, chez lui, la création de plusieurs groupes musicaux et encourageait ses enfants à jouer de la musique. La tradition ne s’arrêtera pas en si bon chemin, puisque Pascal Laraque, le fils de Toto, est actuellement un excellent pianiste, compositeur et arrangeur.

Toto a joué pour la première fois sur scène à l’âge de 11 ans. Il se souvient avoir empoché la somme de 15 piastres ou encore de trois dollars à l’époque. Il est à la fois un connaisseur et un témoin privilégié de l’évolution de la musique haïtienne ainsi que des opportunités financières inhérentes. L’une de ces récentes prestations lui a rapporté 3 000 dollars canadiens, près de 1 000 fois la rémunération de sa toute première prestation, a-t-il plaisanté dans une entrevue avec le fameux guitariste et présentateur Ralph Condé qui le considère comme une légende vivante.

L’une des prestations ayant marqué l’adolescence de Toto est celle qu’il a donnée à Coconut Villa à 17 ans, en l’honneur du « roi Pelé » venu jouer en Haïti en 1971 avec le club brésilien de football Santos FC. Le footballeur Pelé, qui joue lui aussi de la guitare, avait vite remarqué les talents du jeune Philippe Laraque. Vrai amoureux de la guitare, le jeune Toto a été influencé par Pierrot Paul-Eugène, le guitariste des Shelberts du Canapé-Vert, Michel Corvington, Michel Laraque et Robert Martino, mais aussi des icônes étrangères comme George Benson et Carlos Santana. Il possède chez lui 34 guitares, parmi les meilleures du monde, se vante-t-il, comme dans un musée.

Toto avait pourtant débuté sa carrière professionnelle comme bassiste dans les Gypsies de Pétion-Ville. Au départ de son frère Michel Laraque pour les États-Unis, celui-ci a oublié sa guitare à la maison. Toto allait l’utiliser pour pratiquer et finalement devenir quelques années plus tard un excellent guitariste. Ses premiers professeurs étaient évidemment ses grands frères Michel et Pierrot Paul-Eugene.

Toto est très fier d’avoir lancé plus d’une soixantaine de jeunes talents qui sont devenus pour la plupart des figures emblématiques de la musique haïtienne dont Émeline Michel, Michel Martelly et Fabrice Rouzier. Il a enregistré les premières chansons de nombreux groupes musicaux de la génération des années 1980 tels que Diakout Mizik, Sweet Micky et Boukman Eksperyans. Cinq gagnants sur dix du concours American Airlines enregistraient leurs morceaux au Studio de Toto Laraque à Delmas 31, à la rue Jacques 1er. Fabrice Rouzier et Clément Bélizaire ainsi que d’autres musiciens très connus aujourd’hui faisaient partie des bénéficiaires. Tous les jeunes pouvaient enregistrer leur musique gratuitement au studio de Toto Laraque, s’enorgueillit-il.

Ralph Condé a lui aussi bénéficié de la grande générosité de Toto Laraque. Son plus grand tube avec son groupe Papash a profité du flair et de la grande créativité de Toto. Dans la version initiale de « Foumi lan janm » qui était enregistrée au studio de Toto, explique Ralph, le lyrique était : « Ti medam, nou di n pa konn danse, …nou pral met foumi nan pye nou. » Toto a vite compris que cette formule n’allait pas marcher et a plutôt proposé « nou pral met foumi nan janm nou ». Cette musique allait connaître un succès retentissant et demeure encore très appréciée de différentes générations de mélomanes. Toto a fait plusieurs de ces excellentes contributions à un grand nombre de hits.

Membre fondateur du Caribbean Sextet

L’une des expériences musicales les plus abouties de Toto Laraque a été la création du groupe Caribbean Sextet, qui s’est formé chez lui, à l’impasse Laraque, à Lalue. Ce groupe musical, créé en 1978, avait apporté une nouvelle variante beaucoup plus jazzy au compas direct. À l’époque, il y avait comme autres membres fondateurs Réginald Policard (pianiste, compositeur et maestro), Jean-Jean Laraque (batteur), Toto Laraque et feu Yvan Kanski à la basse. Les autres musiciens ont rejoint le noyau dur après.

L’objectif des membres fondateurs était de former un groupe musical pour pouvoir animer au night-club Ding-à-Ling. Le nom Caribbean Sextet viendra un an après, nous confirme Toto. Il y officiait aussi comme guitariste, auteur et compositeur, aux côtés de Joël Widmaier, de Gaguy Dépestre et de Boulo Valcourt, de regrettée mémoire, qui ont intégré le groupe par la suite. Toto considère d’ailleurs Boulo comme l’un des plus grands compositeurs de la musique haïtienne autant qu’il était un excellent chanteur et guitariste.

Parmi les plus illustres musiciens avec qui l'artiste a collaboré, on peut citer : Guy Durosier, Webert Sicot, Joe Trouillot, Laureen Klassen, Ansy et Yole Dérose, Lionel Benjamin, Carole Demesmin, Ti Corn et Tanya Saint-Val. Il avait pris part à toutes les tournées de Luck Mervil au Canada, l’a accompagné dans beaucoup de pays et a joué sur trois de ses albums. Toto a ouvert les festivités commémorant les 50 ans du Cirque du Soleil avant Éric Lapointe, une méga star québécoise.

Toto a participé à la réalisation de plus de 300 spots publicitaires dont certaines avec le très réputé animateur Bob Lemoine. Il y en a qui datent de plus de 50 ans et qui continuent d’être tournées sur la bande FM, se réjouit-il. Quand il s’est installé à Montréal à partir de l’année 2000, l'artiste a eu l’opportunité de jouer aux grands festivals de Montréal et a performé dans les grandes salles de la métropole québécoise. Il a participé au Festival de jazz de Montréal plus d’une quinzaine de fois. Il a joué régulièrement pendant treize ans au Casino de Montréal en parcourant un répertoire de plus de 450 musiques haïtiennes et étrangères.

Toto a participé à plus d'une centaine d'albums et a produit en solo plus d’une quinzaine dont les huit éditions de « Guitarement vôtre ». La majorité de ses albums solo marchent très bien en Europe (France, Espagne et Italie). C’est cette clientèle qu’il a côtoyée régulièrement au Casino de Montréal et dans les autres festivals à travers le Canada. Une clientèle très exigeante musicalement. D’ailleurs, avoue Toto, la musique haïtienne est en baisse aujourd’hui parce que la majorité des consommateurs haïtiens n’exigent pas la qualité aux producteurs et aux musiciens. Il a toutefois reconnu qu’il existe d’excellents musiciens dans la génération actuelle.

Toto a aussi travaillé pendant plus de vingt ans sur les droits d’auteur en Haïti avec des amis comme Pierre Rigaud Chéry et Ansy Desrose, de regrettée mémoire. L’initiative, avoue-t-il, a heurté un mur quelque part, vraisemblablement chez les propriétaires de médias. Les droits d’auteur, a-t-il expliqué à l’émission de Ralph Condé, auraient pu éviter à Webert Sicot de mourir dans la précarité. Heureusement, l’inscription de Toto Laraque à la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) lui permet d’avoir des revenus sur le nombre d’albums vendus et sur toute autre utilisation commerciale des musiques qu’il a composées. Parmi ses tubes les plus rentables, on retrouve : « Fanm ak ti dada », « Chat Fifi », « Jolibois », « Madougou » et « Kòk gagè » (ces deux derniers avec Boulo) pour ne citer que ceux-là.

Toto est aussi connu comme le compositeur, l’interprète et le chanteur des chansons à connotations grivoises. Il se rappelle que les musiciens ne voulaient même pas enregistrer les musiques comme « Chat Fifi », « Jobilibois » et « Madougou » sur les albums. Ils voulaient les laisser pour les animations dans les soirées dansantes. Finalement, le producteur et PDG de Mini Records, Fred Paul, a décidé que « Chat Fifi » devrait figurer sur l’album. Le succès a été retentissant. Et la décision a été prise d’ajouter une musique à double sens comme « Chat Fifi » sur chacun des prochains albums.

« Il n’a pas eu de propos grivois à proprement parler. Il y a eu plutôt eu des chansons qui pouvaient être interprétées de diverses manières », indique Toto Laraque. « Le succès de ces chansons a dépassé la frontière haïtienne », a-t-il poursuivi, tout en confirmant la popularité de « Chat Fifi » dans les Antilles. Un franc succès qui se reflète dans la somme que lui rapporte cette chanson en termes de droits d’auteur. Toto est catégorique : « C’est le public qui aime et qui sollicite les chansons polysémiques à connotations grivoises. »

En août 1998, Toto et son ami Richard Widmaier avaient lancé le spectacle La Nuit magique de la guitare qui avait réuni quatorze guitaristes et allait connaître un succès fulgurant. Mais en dehors de sa formidable carrière, les gens qui côtoient Toto Laraque gardent de lui l’image de l’ambianceur hors pair et du comédien qui irradie la joie autour de lui. Il n’a pas besoin d’instrument pour entretenir et animer un public : ses blagues et ses musiques plurivoques, son rire éclatant ainsi que sa voix puissante font de lui un personnage marquant de la musique haïtienne.

 

Crédit: Thomas Lalime