dimanche 24 juillet 2022

Haïti/Culture : Hommage au mythique groupe "Les Ambassadeurs"


- 23 Juillet 1966 - 23 juillet 2022, 56 ans déjà !

 Le maestro Ernst Ménélas, virtuose du saxophone, compositeur arrangeur, qui est passé de vie à trépas, le 5 juin 2018, donna naissance, avec ses frangins, à un groupe familial et du quartier « Cité Cadet » ou « 2ème Cité Saint Martin » : « Fontana », en 1963. Prenant goût à cette enrichissante expérience de prime jeunesse, il ne tarda pas à créer à partir de l’ossature du groupe, une autre formation musicale, beaucoup plus compétitif dans le nouveau mouvement musical haïtien, les « Mini-Jazz », dénommée : « Les Ambassadeurs »,  le 23 juillet 1966 !

 Pour les fans inconditionnels et mélomanes avertis, voici les noms des musiciens ayant répondu à l’appel pour la composition de la première génération des « Ambassadeurs » : Mirville Georges (chant) - Ernst Ménélas (saxe) - Hans Félix (guitare solo) - Claude Ménélas (bassiste) - André « Deddy » Bellegarde (claviers) - Martial Telcide (batterie) - Charles Marie Robergeau (Tambour) - Kedner Rimpel (TamTam) - Robert Ménélas (Administrateur) -

   En 1969, le groupe participa aux défilés carnavalesques pour la première fois et… remporta le premier prix avec la meringue titrée « Cizo ». Tout de suite après, le sino-haïtien  Essud Funcap  fit sa rentrée, en temps que chanteur, par la grande porte, il remplaça Mirville Georges. En 1970, ce fut le tour du capois Pascal Albert, sur invitation du guitariste Hans Félix, il donna la réplique au talentueux Essud Funcap. Par expérience, Funcap chantait la meringue 1970 des Ambassadeurs, titrée “ Roméo et Juliette et mis ainsi fin à sa carrière au sein de cette formation, il eût le temps de réaliser deux (2) albums avec elle. La même année, Marc Yves Volcy fit son apparition et remplaça, au pied levé, l’incomparable Essud Funcap, à côté du désormais fameux Pascal Albert.


  Apres ce petit remaniement, la nouvelle équipe décrocha une nouvelle fois, la première place en 1971, pendant la saison carnavalesque, avec la version titrée « Que l’Eternel Dieu le Garde », s’inspirant de la mouvance politique de l’époque, avec la voix de Pascal Albert, en lead.

 Quelque temps après, le fils de Caillot fit sa rentrée, Ricardo Franck dit Ti Plume remplaça Hans Félix, à la première guitare. Le groupe commençait à faire des prestations remarquables auprès du public port-au-princien. On commença à en parler, et de ce fait, on réclamait le duo magique de ce groupe :  Pascal Albert et Marc Yves Volcy, pour leurs voix charmantes et séduisantes avec les versions douces et tendres qu’ils interprétèrent avec brio, dans les bals, ciné-festivals et kermesses, partout oû ils passèrent. De la poésie, de la romance, ils en eurent à profusion.  Le public appela la formation des Ambassadeurs « Les Romanciers de la musique haïtienne ».

  Après le départ définitif pour l’étranger de Marc Yves Volcy, qui enregistra près de 4 albums avec le groupe, ce fut la rentrée d’Henriot Leroy, qui lui succéda, toujours à côté de Pascal Albert à la fin de l’année 1972.

 On ne saurait oublier cette meringue carnavalesque chantée par Pascal Albert en 1973 : « Peze souse condansé néstle, Pese souse mini berlingot », avec les solos de Ti Plume à la première guitare et la version « Bobine » chantée par Henriot Leroy qui ont eu beaucoup de succès avec cette formation. A noter que Bobine a été reprise par plusieurs groupes et orchestres étrangers de renom, dont la légende du merengue dominicain, Johnny Ventura, qui connu un succès colossal, partout où il passa avec son orchestre.


  Nous allons maintenant faire le rappel de quelques autres chansons à succès des Ambassadeurs, dont la meringue 1972 « Mwen reviv » (A pye nou ye) chantée toujours par Pascal Albert, devant la grande « Tribune du Champs-de-Mars », sans oublier des versions telles que: Pour Toujours - Rien que toi - N’oublie jamais - Ti Fi ya - En mi viejo San Juan - 7e flotte - Tête kole – Noël - etc…. chantées par Pascal Albert et celles de Marc Yves Volcy, Elles resteront gravées dans la mémoire de la génération dorée de cette époque qui a vécue des moments inoubliables. Les Ambassadeurs ont fait pleurer, rire et surtout ils étaient les catalyseurs et leitmotiv de plusieurs mariages et ruptures sentimentales avec leurs boléros magistralement exécutés. On les surnommait, les rois des boléros.

  NB- Après feu Ernst Ménélas et Claude Ménélas, Pascal Albert reste l’enseigne lumineuse et reste, restera, n’en déplaise aux autres vocalistes, pour qui nous avons le plus grand respect, le chanteur fétiche de tous les temps de « L’horizon de l’An deux milles- les Ambassadeurs ».

 Treize (13) albums chantés par Pascal Albert – deux (2) par Essud Funcap - Quatre (4) par Marc Yves Volcy - Trois (3) par Henriot Leroy et Un (1) par Hamerton Lilavois -

  Les Ambassadeurs ont produits, en tout, seize (16) albums sur la scène musicale haïtienne de 1969 à 1981.

 Cinquante six (56) ans après, cette formation musicale, s’il existait toujours, célèbrerait ses cinquante-six (56) bougies.

 Bonne fête à tous les anciens musiciens et fans du légendaire groupe : « Les Ambassadeurs »

 

 

 Crédit : Anthony Lamothe avec Radio Nostalji-Ayiti

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dimanche 17 juillet 2022

Il était une fois le D.P. Express!


 Le DP Express démarra sur les chapeaux de roues. Dès le départ, les qualificatifs élogieux ne manquèrent pas et fusèrent de partout: "Le Train", "l'Express-moteur", etc...

Le D. P. Express !... Si ce groupe existait toujours, il aurait, ce dimanche 17 juillet 2022, 46 ans, sur la scène musicale haïtienne. 

Au milieu des années 1970, parmi nos mini- Jazz, sortait de la matrice du groupe "Les Difficiles de Petion-ville", une nouvelle formation musicale, dénommée:  “D.P. Express", après des désaccords entre quelques musiciens du légendaire "Les Difficiles de Pétion-Ville". 

Le chanteur-manager-guitariste-maestro (excusez du peu !), Henri Célestin et Emmanuel "Mama" Charles à la guitare rythmique n’ont pas pu répondre à l'appel, en vue de donner naissance à la nouvelle formation musicale, issue des fameux "Les Difficiles de Pétion-Ville". 

Tout de suite après leur création, le 17 juillet 1976, le "D.P. Express" commença, timidement, ses prestations chaque dimanche matin, dans le prestigieux et mythique Club "Cabane Choucoune", au cœur de Pétion-Ville, à l'époque, ville très huppée d'Haïti.


Pour cette nouvelle aventure et la p'tite histoire... Citons, pour commencer, les noms de ces premières légendes (car il y en aura d'autres) du "Train": 

Eddy Wooley (guitariste soliste), Maestro - Claude Marcelin  (guitare rythmique) - Jean Robert Hérissé "Porky" (guitare basse) - Erve Bléus "Boulou"  (lead vocal) - Lesly Dauphin (chanteur/chœur) - Ernst Georges  (Trombone) - Frantz Pierre Gilles (Trompette) - Almando Keslin (Batterie) - Pierrot Kersaint

(Tambour) - Philippe Denis (Gong) - Claudy Fremont (Claviers) - Raoul Denis, Jr. (Claviers).

 Ces musiciens donnèrent leurs premières prestations au niveau du grand public haïtien,  pour le saison carnavalesque de février 1977. Ce fût un super baptême de feu réussi. Ils obtinrent le deuxième prix avec leur très populaire et entrainante  meringue: “Souke kò w, souke kò w" “. 

ils célébrèrent ce grand succès inattendu au prestigieux night club "Chez Maxime's", sur la route de l’aéroport international de Port-au-Prince; ce jour-là, il ont mis les bouchées doubles, le maître de cérémonie fût le très fougueux et éloquent animateur de musique haïtienne de l’époque, à Radio Port-au-Prince, le boute-en-train, Jacques Sampeur. 


Le staff management du D.P Express n'y allait pas de main morte, il prenait les choses très au sérieux. Dès les premières apparitions de leur orchestre sur la scène musicale, il  envoya deux (2) musiques sur bande magnétique, en rotation, dans les stations de radios (AM)/ (la bande FM étant à ses premiers balbutiement) de la capitale haïtienne et des villes de province: «M pa pran kontak" et "Aprann pale". Dès leurs premières diffusions, ces chansons connurent une audience extraordinaire auprès des auditeurs et auditrices. 

Après la sortie du premier disque (LP/33 Tours), le "DP" connu un succès retentissant qui attira la jeunesse de toutes les couches sociales de la zône métropolitaine de Port-au-Prince. Chaque dimanche matin à Cabane Choucoune: Le rendez-vous incontournable. 

Le second album du DP Express fît sa sortie dans les bacs en Décembre 1977, avec les inoubliables hits suivants : 

●Pale Pale w  

●Vérité (zél zapat) 

●Oua coûte conseil 

●Liberté 

●Croix Pam  

●L’amiral 


"L' Amiral déclencha les hostilités qui déclenchèrent la grande polémique avec leur grand rival, le "Scorpio Universel" du virtuose  de la guitare, le Maestro Robert Martino.

 En 1978, leur troisième volume fít son apparition avec les nouveaux succès: 

●Grand Vent 

●Tripotage 

●Zafè w- 

●Vini danse 

●D.P. disco 

Avec la sortie de ce nouvel opus, l' "Express-moteur" connu l’arrivée de nouvelles têtes, qui seront plus tard de futures légendes du Compas. Pour vous rafraichir la mémoire, voici leurs noms: Adonys Joseph Python (Trompette) - Oswald Durand Junior aka "Ti-flûte" (Flûte) - Reynald Valmé (Tambour) - Marc Bellande Jacquet aka "Choupit" (Gong)...

Un autre 33 tours de transition fît une apparition fracassante dans le monde musical haïtien:

●Nou Retounin

●D.P. Fever (N' Enrage)

●Min Zin

●Voye'm La Caille Moin

●Realite

●Otencia

 Après l’enregistrement de ce 4ème album, titré "Nou retounin" en 1979 et la rentrée d’Antoine Rossini Jean-Baptiste aka "Ti-Manno", qui devait remplacé Herve Bléus "Boulou" et Wilfrid Lafond, ex-guitariste des "Deutz" de Delmas qui remplaça Ti-Claude Marcelin à la deuxième guitare, ce dernier devait faire le voyage inévitable pour les États-Unis. 

Après la saison carnavalesque de 1979, la rentrée d’Ignace Evens dit Pemm, à la deuxième guitare, succéda à Wilfrid Lafond; Serge Colin à la Trompette et Perez J. Alvarez, comme choriste.

 A quelque chose malheur est bon. Après le passage du cyclône David sur le pays, le 30 Août 1979, ces messieurs du D.P Express eurent des inspirations de génie, en composant deux (2) superbes chansons qui connurent un succès à nul autre pareil, tant en Haïti qu'à l’étranger «E E E E" et... le fameux "David" que toutes les stations de la capitale diffusaient à longueur de journée et toute la nuit...24/24.

À partir de ces smash hits-là, l'orchestre faisaient l’actualité au point de vue musicale. Partout on réclamait que le D.P. Express, jusqu’à la date de la sortie de leur cinquième volume, en Juillet 1980, où toutes les compositions gravées sur ce volume étaient des tubes incontournables, y compris leur meringue carnavalesque “Sèso”. 

 Ils décrochèrent la première place pour le carnaval de cette année-là.

Dorénavant, chaque dimanche après-midi le lieu de rendez-vous était au Casino International d'Haïti, au "Bicentenaire" de Port-au-Prince. 

En 1981, ce fût au tour du bas de la rue des Casernes d'acceuillir, le D.P Express, au Club “C’est mon Étoile” où Ti Manno devait faire sa dernière prestation avec eux, en chantant la musique “Grâce“, après la saison carnavalesque 1981 où la meringue “Biberon “, la plus populaire de l’année 1981, faisait la pluie et le beau temps. 

Bénito Philogene aka "Bénito d'Haïti", succéda à Ti Manno. Notons également l’arrivée de la légende Pascal Albert, ex-chanteur du mythique des frères Ménélas "Les Ambassadeurs" et Louis Lionel Louis Jeune à la Trompette. 

Rappelez-vous, la sortie de leur sixième (6ème) album, avec des chansons à succès telles que: 

●Réfléchi

●La Vie

●Biberon

●Tandé Yo

●Bann Nan Chaud et... 

●Grâce... remaniée et rechantée par Pascal Albert à l’occasion de Festi-Vacances, chaque Dimanche au "Gymnasium Jean-Claude Duvalier" de la ruelle Romain (Port-au-Prince), pendant la période des grandes vacances d'été.

En 1982, avec l’apparition de Gary Shore au saxe - Louis Lionel Siméon (Trombone) - Immgart Manigat (Chant) - Edner Couloute à la Batterie et Hantz Mercier au Clavier. Ils enregistrèrent leur septième (7ème) volume où la chanson “Inconsience” tenait la première place au hit parade de Radio Métropole, chaque dimanche matin, pendant un mois et demi. 

En 1983, la sortie de leur huitième volume avec la musique “Barrière“ tenait aussi la première place pendant un mois. Notons la participation de Mario Germain à la guitare basse. 

En 1984, leur neuvième (9ème) volume fît son apparition. Dieujuste Polinice Nozil dit "Ti Police", à la deuxième guitare et Iforvil Similien au saxo, firent les beaux jours du Train. 

En 1986, de nouveaux musiciens enregistrèrent le dixième (10ème) volume du groupe, avec les noms suivants: Dieudonné Larose (chant) - Rony Metellus (chant) - Pierre Dumarais Louis Jacques dit Dumas (chant) - Jean Ronald Nelson (Trombone) - Gabriel Morin (2ème guitare) - Ronald Michel Nivrose  (Batterie) - et Johnson Jean Philippe (clavier)

 Citons quelques lieux et endroits célèbres dans la zône métropolitaine de Port-au-Prince, où le D.P Express se produisit durant ces periodes fastes de la musique haïtienne:

 Cabane Choucoune (Pétion-Ville) - Djumbala NightClub (Frères, Pétion-Ville) - Chez Maxime (Route de l’aéroport international) - Casino International (Bicentenaire) - École  Catts Pressoir (Avenue Martin Luther King) - Christopher Hôtel (Bourdon) - Le  Ranch de La Croix des Bouquets - C’est mon Étoile (Rue des Casernes) - Le Fann club d’Ansyto Mercier (Rue Dr. Audain) - Olympia (Bon repos/Plaine du Cul-de-Sac) - Lambi night-club (Mariani/Carrefour) - etc...

 N.B.- A la fin des années 1980, de 1987 à 1990 le D.P.Express n’a pu produire d'autres albums. Mais d’autres compositions enregistrées sur bandes magnétiques poursuivaient nonchalamment  leur petit bonhomme de chemin à travers tout le pays. Ces chansons enregistrées clandestinnement par des pirates, en profitaient à plusieurs marchands de musique qui faisaient leur beurre au détriment des ayants droit. On vendait ces cassettes, comme des p'tits pains chauds à des chauffeurs de bus de Carrefour, de Carrefour-feuilles, de Delmas, de Pétion-Ville, etc... à travers les rues de la zône métropolitaine de Port-au-Prince et d'autres villes du pays.

  En 1991, l'infatigable manager Nassim "Papite" Halloun reforma le groupe intégralement avec la rentrée d’Eric Charles - Madsen - Dejean - Chikore - ect... et produisit le onzième et dernier volume du D.P. Express avec des titres tels que: 

●D.P. Tounin 

●Zinglindo  

●Ouale, ect... 

Le D.P.Express et ses musiciens ont bel et bien bouclés leurs carrières musicales sur la scène jusqu’en 1993, après la saison carnavalesque où ils ont obtenu la deuxième (2ème) place avec la voix du chanteur Eric Charles, regretté disparu.


 ils ont bien gagné leurs places, auprès de leurs  fanatiques et surtout les amants de la bonne musique. Les mélomanes avertis et les autres professionnels de la musique et des teasers de la musique dansante haïtienne, tant de la diaspora et d'Haïti, les mélomanes antillais et d'autres nationalités ont su apprécier le D.P Express à sa juste valeur. 

Ces musiciens ont tenu de très haut, en terre étrangère, le flambeau du Compas.

Joignons-nous aux milliers de fans nostalgiques, de par le monde, pour souhaiter un joyeux 46 ème anniversaire au DP Express. Qu'il renaisse de ses cendres, pour le bonheur des amants de la bonne musique dansante haitienne...

Bonne Fête et ad multos annos, D.P Express !


Crédit: Anthony Lamothe avec Radio Nostalji-Ayiti 

dimanche 10 juillet 2022

Parisien Fils-Aimé, plus d’un demi-siècle au service de la musique haïtienne


Il s’appelle Parisien Fils-Aimé. Son nom peut ne rien évoquer pour les moins de vingt ans. Cependant c’est l’un des doyens de la musique haïtienne. Au sein de l’Orchestre Tropicana d’Haïti, il chante depuis plus d’un demi-siècle. Depuis le 4 novembre 1966, plus précisément. Qui est cet homme qui sera à l’honneur le samedi 9 juillet 2022 lors de la 17e édition du gala « Le grand Nord en soirée » animé par Klass et l’Orchestre Tropicana d’Haïti à Miami ?

« Promettez-moi de ne pas me poser des questions auxquelles je ne pourrai pas répondre », prévient-il timidement avant même que l’on ne commence cet entretien téléphonique. Visiblement, cet homme de la scène dont la voix et la plume ont porté plusieurs des musiques qui nous font danser n’est pas un habitué des médias. Il joue prudence et circonspection. 

Grand mélomane, Parisien Fils-Aimé naît le 8 avril 1947 au Cap-Haïtien. « Je n’ai pas grandi dans un environnement musical comme beaucoup d’autres. Je n’étais ni enfant de cœur ni membre d’une chorale. Mais chez moi, il y avait un poste de radio. J’écoutais religieusement de la musique et je connaissais tous les chanteurs à la mode », se souvient M. Parisien. 

S’il n’est pas allé à la musique, cette dernière est pourtant venue à lui. Tandis qu’il va passer des vacances au Borgne, il fait la connaissance de « Avenir des jeunes », un groupe de vacances. « Je les regardais interpréter certains morceaux et je leur ai dit : « Ce ne sont pas du tout les paroles que vous dites ."J’en étais certain parce que j’avais l’habitude d’écouter à la radio les chansons que le groupe interprétait. C’est alors qu’ils m’ont proposé de venir les aider ». Il accepte volontiers ! 

Ainsi débute sa carrière musicale, mais c’est au sein de l’Orchestre Tropicana d’Haïti qu’il fera ses vraies armes. En 1966, Adrien Pierre, un des anciens chanteurs de Karayib, le groupe ancêtre de Tropicana lui demande s’il ne serait pas intéressé à chanter pour l’orchestre. C’est une occasion en or pour celui qui a toujours voué une admiration à Tropicana, la Fusée d’or internationale, fondée en 1963.

Après la rencontre et convaincu de son talent, on lui propose de venir suivre les séances de répétition. À cette époque, Charles Pierre Noël était le maestro et directeur musical de l’orchestre. Son heure vient le 4 novembre 1966. Il doit remplacer sur scène un des chanteurs qui était tombé malade. Trois ans plus tard, il trouve sa place comme chanteur attitré de l’Orchestre, remplaçant Gérard Michel qui lui-même s’occupera beaucoup plus de la sonorisation de l’orchestre. Giordany Joseph et Paul Edouard Jean le rejoindront un peu plus tard. 

Outre les chansons qu’il interprète, on lui doit aussi plusieurs compositions telles que « Plante pye bwa », « Je t’aime » « Nou refize granmoun », « Ti madanm », « An al pi fon », « Mwen sonje w cheri », « Poukisa », « Malonèt kache ». Il se rappelle l’un des premiers succès carnavalesques de l’orchestre qui leur permet en 1969-1970 de séduire un plus large public. « Après cette meringue, on est rentré à Port-au-Prince, à l’invitation du groupe les Dragons pour une prestation au lycée Toussaint Louverture », ajoute-t-il, rappelant cette étape charnière pour le groupe. Mais son meilleur souvenir avec Tropic remonte à 1973, l’année à laquelle le groupe part en tournée à l’étranger pour la première fois. « C’était mon premier voyage, je n’ai jamais oublié ce moment », confie Parisien Fils-Aimé.

56 ans après, l’Orchestre Tropicana est devenu pour lui une seconde famille. Il y a eu certes des petits démêlés, comme dans toute grande famille, mais l’aventure ne s’est pas arrêtée pour autant. « En tant que musiciens, nous passons plus de temps ensemble qu’avec les membres de nos familles », explique-t-il. Avec un calendrier très serré et des dates bien établies depuis des années, l’Orchestre parcourt le pays et honore des soirées un peu partout en Haïti aussi bien qu’à l’étranger. Noël ou nouvel an, micro en main, ce musicien, homme marié, père et grand-père fait danser les fans. Certes la pandémie et l’insécurité en Haïti ont affecté l’industrie du divertissement mais la machine Tropic continue de tourner. 

Mais comment et pourquoi donner plus de 50 années de sa vie à la musique, à un groupe ? « Ma génération avait le sens du sacrifice. Nous étions prêts à donner le meilleur de nous-mêmes pour tenir tête à nos adversaires », s'enorgueillit-il. L’adversaire dont il parle - sans aucune mauvaise foi bien entendu - n’est autre que l’Orchestre Septentrional d’Haïti. Fondé 15 ans avant Tropicana, il a toujours existé une saine polémique entre ces deux orchestres du Nord. Face à un challenger de taille, il fallait être ambitieux et c’était un des moteurs qui les poussait à aller de l’avant. 

Pour Parisien Fils-Aimé, outre le fait que l’Orchestre Tropicana fonctionne comme une véritable institution qui permet à chacun de ses membres de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille, il y a aussi un fort sentiment d’appartenance. Les gens du Nord, dit-on, sont fidèles à leurs amours. « Si on aime, on aime. Si on n’aime pas on n’aime pas. Nous demeurons attachés à ce que nous sommes. Menm si l ap kraze, n ap ret la », avance M. Fils-Aimé.

Grand fan de football, le chanteur nous confie qu’il est resté attaché au Brésil et au football sud-américain en général sans pour autant négliger le football local. « Mon équipe n’existe plus. C’était Vertières. Je supportais cette équipe parce qu’elle a subi les mêmes choses que l’on a faites à Tropicana. On les a maltraités, mais c’était une équipe qui avait beaucoup d’orgueil et qui a battu presque toutes les autres », assure-t-il non sans fierté. Même s’il ne cite pas nommément ses groupes et artistes préférés pour ne pas créer de jaloux, on sait au moins qu’il adore écouter le jazz et la musique country pour s’endormir. 

À deux jours de cette soirée d’hommage, Parisien Fils-Aimé ne cache pas ses sentiments. « J’apprécie énormément ce geste. C’est la première fois que je serai à l’honneur. Je suis tout ému, je ne sais même pas comment réagir. Je suis heureux de savoir que d’autres musiciens que je n’ai pas vus depuis longtemps seront aussi là. Franchement, je n’ai qu’à dire merci. Merci … parce qu'ici on a tendance à attendre la disparition des gens pour leur rendre hommage », déplore Parisien Fils-Aimé, la voix remplie d’émotions.


Crédit: Winnie Hugot Gabriel