mardi 28 juin 2022

Félix Lamy : Le mystère demeure, près de 31 ans après !


On est le mardi 10 décembre 1991. Haïti connaît une nouvelle période difficile avec un énième coup d’État militaire qui a délogé quelques mois plus tôt Jean-Bertrand Aristide, pourtant premier président à être démocratiquement élu. Malgré les risques et les menaces que font peser les militaires sur les journalistes, Félix Lamy n’entend pas céder à la pression. Homme à principes et professionnel jusqu’au bout des ongles, Félix se rend à Radio Galaxie (au bas de la rue Pavée à Port-au-Prince) en étant conscient qu’il peut être pris pour cible par les militaires à tout moment. Et c’est dans son amour pour son pays et ses auditeurs qu’il trouve le courage pour continuer dans sa noble mission.

Alors qu’il s’apprête à prendre l’antenne, sept hommes armés débarquent à la station de radio qu’ils prennent soin de saccager tout en tirant à balles réelles. Lorsqu’ils tombent sur le journaliste, ils le menottent avant de l’embarquer sans ménagement dans une jeep, pour le transférer ensuite dans une autre voiture vers une destination inconnue. C’est la dernière fois qu’on allait voir Félix Lamy vivant! Jusqu’à aujourd’hui, on ne sait toujours pas ce qui est advenu de lui, d’autant plus que son corps n’a jamais été retrouvé. Une souffrance de plus pour sa famille, ses proches et ses admirateurs qui s’accrochent à un mince espoir de pouvoir le retrouver vivant un jour.

Mais pourquoi tant de haine envers un homme, un vrai, dont le chauvinisme et le patriotisme lui ont valu bien des ennuis avec les renégats aigris qui depuis toujours empoisonnent notre pays. Pour ceux qui ne croient pas aux coïncidences, l’enlèvement de Félix est intervenu peu de temps après que sa radio ait diffusé un reportage au vitriol sur le chef de la police de Port-au-Prince de l’époque, le colonel Michel François (qui s’est depuis réfugié au Honduras où il est décédé en 2017). Les militaires, bien sûr, réfutent toute implication dans la disparition de Félix Lamy, bien que ce dernier ne soit pas en odeur de sainteté avec eux.

Si les regards se sont immédiatement tournés vers les hauts gradés de l’Armée d’Haïti, notamment le Général Raoul Cédras (aujourd’hui exilé au Panama où il coule des jours paisibles), c’est parce que les militaires ont cherché au lendemain du coup d’État du 30 septembre 1991 à museler toute voix dissidente. Les journalistes ont donc été pris pour cibles dès le départ afin d’étouffer toute critique. Ainsi, le directeur de la radio Caraibes, Jacques Gary Siméon, alias Jacky Caraïbes, a perdu la vie au nom de la liberté d’expression. Malgré les risques, Félix Lamy a préféré faire face avec courage au lieu de fuir son pays.

Félix Lamy avait une passion pour son métier comme on en voit peu. Il a débuté très jeune dans la radiodiffusion à Radio Nouveau Monde. Mais c’est au début des années 80, au sein de la Radio Nationale d’Haïti, que sa popularité va connaître une forte hausse. Bénéficiant de la couverture nationale de la nouvelle chaîne radiophonique gouvernementale, la 4VRD, Félix Lamy s’est brillamment façonné une image de farouche défenseur du “konpa dirèk”, s’élevant contre toute influence externe de l’époque susceptible de le rendre vulnérable, dont la musique zouk qui tenta à un certain moment d’envahir les ondes haïtiennes pour éclipser ce rythme créé par l’immortel saxophoniste Nemours Jean Baptiste et ses partenaires.

Et c’est là tout le mérite de Félix Lamy. En plus d’être un critique franc et direct qui n’y allait pas par quarte chemins pour dire ce qu’il avait à dire, Félix était également un visionnaire. Il voyait que le compas était un bien immatériel qui pouvait faire rayonner Haïti à l’échelle internationale, un peu comme le reggae est devenu le porte-drapeau culturel de la Jamaïque, ou la samba pour le Brésil. Félix Lamy avait dès l’époque senti la puissance que pouvait apporter la musique à une nation, ce qu’on appelle aujourd’hui le soft-power culturel, utilisé par des nations comme la Corée du Sud qui essaie d’utiliser la K-pop comme soutien à sa diplomatie. Malheureusement, et comme c’est souvent le cas, les génies d’aujourd’hui ne sont compris que des décennies plus tard.

Le rêve de Félix Lamy était donc d’utiliser sa popularité grandissante pour inciter les jeunes musiciens de la génération des années 80 à consolider ce rythme créé au tournant des années 50, le tout sous la bienveillance du pouvoir en place. Sauf que les troubles survenus le 7 février 1986 avec la chute du régime des Duvalier allaient chambouler ses plans, mettant en péril ses projets encore en pleine gestation.

Doté d’une grande intelligence et réactif, Félix a vite compris que c’était le moment de sauter le pas et d’aller dans le privé pour gagner une certaine indépendance. C’est ainsi qu’il s’est allié à d’autres investisseurs, dont le Dr. Yves ‘Dadou’ Jean Bart, pour créer Radio Galaxie. Et comme la chance sourit à ceux qui osent, Radio Galaxie s’est adjugée la part de lion au niveau de l’audience, à un moment où les Haïtiens étaient affamés de nouveaux programmes, et où le Konpa reprenait du poil de la bête. Autant dire que le timing était parfait et tous les ingrédients étaient réunis pour un succès assuré!

Si Félix Lamy était si adulé par ses auditeurs, c’est parce que le bonhomme était pétri de talent et avait un grand charisme. Il dégageait une telle énergie vocale derrière le micro que personne n’y restait insensible. Mieux, la pertinence de ses critiques fait qu’il s’est imposé tout naturellement comme un juge incontournable dans le domaine musical. Le disparu émettait des jugements de valeur sur les productions des groupes musicaux. Cela était intimement lié à son Trade-mark de défenseur du konpa. Bien évidemment, un tel rôle n’était pas sans risque pour le natif des Gonaïves, dans la mesure où il s’exposait à la hargne des musiciens et des fans qui ne partageaient pas ses opinions. Ainsi, certains, y compris des musiciens vedettes de formations musicales de grande influence de l’époque, avaient, plus d’une fois, reproché à Félix de confondre parti-pris et défense du konpa.

Qu’on soit pour ou contre, ce qui est sûr, c’est que Félix Lamy ne lassait personne indifférent. Sa voix chaude et son timbre si particulier dans les spots publicitaires annonçant les événements à venir, particulièrement les affiches des soirées dansantes, étaient une garantie de succès. L’homme avait divinement maîtrisé son micro, au point de faire école. Depuis, il fut beaucoup imité, mais jamais égalé.

Son slogan “Au Pas avec le Compas” restera à jamais une œuvre d’art radiophonique. Et que dire de son spot pour le compte de sa station « Radio Galaxie que vous écoutez en ce moment est une révolution en matière de radiodiffusion en Haïti. Galaxie a choisi pour vous des équipements futuristes, jamais introduits en Haïti au paravant…………C’est pourquoi les ondes de Galaxie vont plus loin et sont d’une qualité n’ayant rien à envier à ce qui se fait de mieux dans le monde…. le nord, le sud, l’est et l’ouest….. ». Les puristes se souviendront tout simplement du jingle « Galaxiiiiie !!!… Galaxiiiiie !!! » qui fait désormais partie de l’inconscient de toute une génération d’Haïtiens.

À l’époque, son émission matinale 10hr-12hr faisait bouger tout Port-au-Prince. De même, Félix Lamy a introduit un nouveau concept, celui de la diffusion de performances musicales en direct (live), notamment dans les night clubs, grâce à sa complicité avec son metteur en onde Marc-Arthur. En outre, son émission hebdomadaire “Petit Bal du samedi Soir” prenait également presque toute l’audience compas en otage de 7 heures du soir à minuit.

Tous ces souvenirs joyeux nous rappellent à quel point Félix Lamy était présent dans nos vies. En quelque sorte, c’était un membre à part entière de centaines de milliers de ménages en Haïti. Et en tant que membre de notre famille justement, nous ne pouvons qu’avoir une pensée en ce mois de décembre 2021à sa femme Raymonde et ses deux enfants, Rachelle et Patrick, qui gardent toujours espoir malgré les années qui défilent.

Il est malheureux de voir aujourd’hui que la grande majorité des animateurs de musique compas parlent peu, ou pas du tout de Félix Lamy, qui reste, qu’on le veuille ou non, le père spirituel du journalisme kompa. En ce triste anniversaire, on peut dire que Félix Lamy, où qu’il soit, est devenu l’idole de toute une génération d’Haïtiens, et c’est le plus important. Si certains animateurs radio l’oublient, volontairement ou non, le public le garde pour toujours dans son cœur et sa mémoire.

Félix Lamy aimait la vie et prenait soin de partager cet amour avec ses auditeurs. Comme une comète, il laisse derrière lui une traînée de lumière qui brillera encore pendant plusieurs générations.


Crédit: Ferdinand Dessalines 


mardi 21 juin 2022

Il était une fois le Volo Volo de Boston !

 


Le Volo Volo de Boston, groupe phare de la scène konpa des années 1970 et 1980, a durablement marqué la musique haïtienne. Fondé en 1971 par des anciens membres des « Ambassadeurs » et des « Fantaisistes », Le Volo Volo connaît d’abord un succès fulgurant aux États-Unis auprès de la diaspora haïtienne et antillaise avant d’inonder les ondes des radios haïtiennes. Leur premier grand succès « Caresse » est à ce moment-là sur toutes les lèvres.

Les compositions du guitariste Hans Félix, membre fondateur et maestro, sont portées haut la main par le charismatique chanteur Ti Manno.

Le groupe enregistre plusieurs albums sous les cordes du maestro guitariste avant que celui-ci ne passe la main à d’autres. A partir de 1982, Hans Félix quitte le groupe et connaît un passage à vide. Il refait surface en 2020 en compagnie des anciens membres du groupe.

Pendant les 20 ans d’existence de Volo Volo, les musiciens ont connu des moments forts à la fois sur le plan musical et humain. A la fin des années 1970, le maestro se fait arrêter par la police américaine en compagnie de ses chanteurs Ti Manno et Ricot Mazarin parce qu’ils étaient dépourvu de titre de séjour. Loin de se décourager, les membres du groupe se sont renforcés en puisant des ressources dans leur passion commune pour la musique...


dimanche 19 juin 2022

Il était une fois Fritz "Toto" Duval, virtuose de la guitare.


Guitariste - Arrangeur - Compositeur -

1943 - 2003 

Fritz Duval dit ToTo naquît en Janvier 1943, il fit son entré en 1962 aux seins des Blouzons Noirs, en 1963. Il remplaçait Marc Ely, un excellent guitariste au sein de l’ensemble Webert Sicot.

 Il enregistra son premier album avec l’orchestre Webert Sicot, contenant les titres suivans: Ti Cameau - Lucienne - En Passant à Porto Rico - Retour de la Cadence - une mérengue Carnavalesque, avec les voix de Gary French et d’Andre Dorismond.

En 1964, il enregistra un (2ème) deuxième volume avec les tubes, dont les noms suivent: Machan Fresco - Ti Male - Ti Georges Counan - Pete Filet et... "Deux Guidons", le plus grand succès musical de l’année 1964, chanson diffuée par toutes les Stations de la capitale haïtienne  quotidiennement. 

En 1965, son dernier enregistrement avec l’Ensemble Webert Sicot fut le "Carnaval Aéroport Djet", l'orchestre décrocha le premier prix, à l’occasion de l’inauguration de l’aéroport François Duvalier, le 22 Janvier 1965. 

Cette méringue carnavalesque a fait le bonheur et la gloire de l’ensemble et Toto aussi. A cette époque-là, lors du passage du cortège, pendant les (3) trois jours gras, le public, les carnavaliers et carnavalières crièrent à tue-tête "Way misye Toto, way misye Toto" ou encore "Kout gita Toto se leman, kout guta Toto se leman"...

Toto Duval avait une touche magique à la guitare. Après cette saison carnavalesque-là, il laissa Haïti définitivement pour  les États-Unis, où il poursuivit sa carrière musicale avec "Les Islanders". Dans ce groupe, Il fît la rencontre de Serge Simpson, ex-accordéoniste de l’Ensemble Nemours Jean Baptiste et des Gilbreters, Carlo et Eddy Claudain. 

Toto Duval, devenu diabétique, pendant quelques années se cassa une jambe, il  souffrait atrocément des différentes complications de sa maladie; il a rendu l’âme à l’âge de 60ans, à la veille de la fête de la musique, le 19 Juin 2003.

Fritz Duval, dit Toto pour les intimes, restait le guitariste le plus en vogue et le plus redoutable de la génération des années 1960.

Paix à l'âme de ce virtuose de la guitare. 

Ensemble Webert Sicot - Aéroport Jet

Crédit: Antony Lamothe avec Radio Nostalji-Ayiti