mercredi 9 juin 2021

Nemours Jean Baptiste, figure de légende

 


Le 26 juillet 1955, date de la formation de l'Ensemble Aux Calebasses et donc de la création du compas, marque aussi un nouveau départ dans la carrière de Nemours Jean Baptiste. À partir de cette date, l'Ensemble Aux Calebasses, porté sur le fonts baptismaux le jour de la Sainte-Anne, fut adopté dans un enthousiasme tel que le nom de son maestro était sur toutes les lèvres.
 La légende Nemours était née.

Né à Port-au-Prince le 2 février 1914, Nemours Jean-Baptiste a vécu une enfance plutôt difficile. Il fera seulement les trois premières classes primaires à l'école Jean-Marie Guilloux surnommée alors le Théâtre. Musicien, il a débuté dans la musique comme guitariste au Trio d'Anilus Cadet qui animait souvent dés émissions à la Radio HH2S. Ce fut le maestro de l'orchestre Panorama des Cayes, Destinoble Barrateau, qui l'initia au saxophone lors d'un séjour aux Cayes où Nemours, avec son banjo pour tout bagage, était allé en quête du pain quotidien. Plus tard, il sera à l'école de Sicot qui lui apprendra la maîtrise du saxophone. En 1958, trois ans après avoir donné naissance au compas, il rebaptise son groupe L'Ensemble Aux Calebasses qui devient Ensemble Compas Direct, qui lui-même ne tarde pas à devenir Ensemble Nemours Jean-Baptiste. 

 

Le nouvel Ensemble s'implante solidement et engage la polémique avec le Jazz des Jeunes. En 1961, « La coqueluche de Port-au-Prince », comme l'a surnommé le public port-au-princien, anime des soirées au Palladium d'Haïti. Et c'est au cours de cette année que prend naissance à Port-au-Prince un nouveau groupe musical: L'Ensemble Weber Sicot, cadence rampas, après avoir quitté l'ensemble de Nemours avec lequel il a élaboré le rythme aujourd'hui cinquantenaire. En 1962, la participation remarquée de cadence rampas aux festivités carnavalesques fait grandir sa popularité et insuffle un sang neuf au carnaval haïtien. 

 

A tel point que l'année suivante, l'Ensemble Nemours Jean-Baptiste décide de lui emboîter le pas. Commence alors une longue période de polémique entre les deux groupes qui atteint son point culminant en 1964 avec le match musical et de football entre les deux formations qui s'est déroulé le 8 avril sous la direction de Raoul Guillaume et s'achève, tandis que souffle très fort le vent des mini-jazz, par la disparition des deux super ensembles (départ pour les États-Unis) de la scène: Sicot (1968), Nemours (1969). On connaît la suite. Nemours Jean-Baptiste qui s'est éteint dans sa 71ème année est le père créateur d'un rythme aujourd'hui international. Joué en Haïti, aux États-Unis, aux Antilles, il est admis dans l'Hexagone aux Champs-Elysées. C'est peut-être la suprême consécration pour le compas. 

 

Les générations de plus de 55 ans se souviendront longtemps encore de la musique entraînante de l'Ensemble Nemours Jean-Baptiste, de ses savoureuses compositions surtout trop nombreuses pour être citées ici. Ils se souviendront: que ce soit dans les cocktails dansant à Kenscoff, à Radio Port-au-Prince, à Mahotière, au Club Camaraderie, au Casino International, à Cabane Créole ou au Palmiste Night club; que ce soit dans les ciné-festivals du Rex, de Lido, de Magic Ciné, de Rivoli, de Cabanon; que ce fut dans les soirées dansantes Aux Calebasses Night Club, au Paladium d'Haïti, à Cabane Choucoune: que ce soit sur les ondes où étaient diffusées les émissions: 63 rue des Casernes, Eddy Publicité, Tessier Publicité: que ce soit enfin dans l'ambiance survoltée rouge et blanc, en pleine rue, des carnavals des années 60. 

 

Le maestro Nemours Jean Baptiste est mort dans la tristesse et le chagrin. Devenu aveugle, il a vécu les dernières années de son existence dans le noir. Il décédera le 18 mai 1985, jour de l'inhumation à New York du chanteur lead de DP Express Antoine Rossini Jean Baptiste (Ti Manno), autre figure de légende décédée le 13 mai à l'Hôpital de l'Université d'État d'Haïti. 

 

En léguant le compas direct, Nemours traça un chemin qui l'a amené dans la légende de la musique nationale par la grande porte. A l'instar d'un Occide Jeanty, le père de l'écriture orchestrale haïtienne, il a été à la source de l'authenticité, de l'originalité et de la renaissance des rythmes locaux. Parmi tous ces géants qui ont montré la voie, Nemours fut l'un des plus déterminants. Pour avoir inventé le style et une identification musicale ambiante du terroir, il demeure un innovateur hors pair, l'architecte du rythme le plus populaire d'Haïti.

 

Crédit: Le Nouvelliste

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